Pour mes élèves, pour les éclairer sur le nectar de l’immortalité, je me permets de retranscrire les mots de Petri Räisänen qui l’explique à merveille.
→ L’Amrita Bindu ou le Nectar de l’immortalité
De Petri Räisänen dans Ashtanga Yoga traditionnel
D’après les textes sacrés de la shruti (ce qui est entendu) et de la smriti (ce qui est retenu), et à travers la pratique, le yogi peut agir sur sa longévité et atteindre la conscience de soi, ce qui était considéré inaccessible au commun des mortels. Si l’on est complètement accaparé par le monde extérieur ou guidé par les désirs et la convoitise, il sera impossible de s’unir à l’énergie croissante que produit une pratique assidue du yoga. Tout ce qui détourne l’esprit de la quête du soi finit par affaiblir le mental et réduire son état naturel de pureté.
La fabrication de l’amrita bindu, nectar d’immortalité, ainsi que la conservation de l’énergie vitale reposent sur une des observations les plus anciennes et les plus incroyables de notre métabolisme par les shastras (maîtres, sages).
L’amrita bindu se développe dans l’abdomen durant le processus de la digestion, lorsque la bile produite par le foie se mélange aux aliments. La bile associe les graisses pour permettre l’action des enzymes libérés par le pancréas, puis elle est à nouveau transportée vers le foie. Pour que l’organisme puisse bénéficier au mieux des aliments, il faut que la bile ait le temps de retourner vers le foie avant d’entrer dans le processus de la digestion. Ainsi les anciens yogis considèrent que l’on profite mieux des repas pris dans la soirée. Le soir et la nuit, lorsque le corps est au repos, la bile peut mieux accomplir son cycle et revenir vers le foie. Pour être sûr que la bile a complètement disparu du corps (et qu’elle est donc retournée au foie), il est profitable de pratiquer les postures inversées à la fin de la pratique. S’il y a toujours une forte concentration de bile dans le corps, celle-ci risque d’endommager les cellules cérébrales lors d’une posture sur la tête ou sur les épaules et aura tendance à ralentir le retour de la bile résiduelle vers le foie. C’est pourquoi les postures inversées sont toujours placées à la fin de la pratique, après les flexions avant et les torsions qui chauffent le sang et accélèrent la circultion. Le sang a pu circuler dans tout le corps et diluer la forte concentration de la bile.
La transformation de l’amrita bindu ou comment la nourriture devient force vitale
Selon les textes yogiques, la nourriture que nous absorbons se transforme en énergie et, 32 jours après l’ingestion des aliments, ceux-ci deviennent une goutte de sang. Une fois que 32 gouttes de sang auront été « distillées », chacune d’entre elles mettra à son tour 32 jours à produire une goutte de force vitale. Une fois que 32 gouttes de force vitale ont été produites, cela prend 32 jours pour produire une goute d’amrita bindu, le nectar de l’immortalité.
Quand une goutte d’amrita bindu a été créée, elle est ensuite conduite par le système sanguin vers les 7 dhatus (fonctions) qui maintiennent le corps vigoureux et en bonne santé. Ces 7 dhatus comprennent le système lymphatique (rasa), le système sanguin (rakta), les muscles et la chair (mansa), les graisses dans le corps (meda), les os (asti), la moelle épinière (majja), et les fluides sexuels (shukra), soit virya (le fluide masculin), et sonita (le fluide féminin). Avec l’aide de la discipline de bramacharya (on a tendance à le qualifier de célibat en Occident mais en réalité, il s’agit d’un respect profond pour la puissance contenue dans l’acte sexuel et l’énergie vitale véhiculée par les fluides sexuels), le 4eme yama, il est possible de restaurer et d’augmenter la qualité et la quantité de virya et de sonita qui participent à l’amrita bindu.
En plus des 7 dhatus, le nectar d’immortalité voyage de l’estomac jusqu’au sommet du crâne à l’endroit du chakra sahasrara où siège également brahmarandhra (l’ouverture de Brahma). En Occident, ce lieu est celui de la fontanelle, cet endroit souple au sommet du crâne des nourrissons. Si l’amrita bindu est assez fort, on peut percevoir la présence divine (Brahma) dans ce lieu de brahmarandhra. C’est par là que l’âme quitte le corps lorsque nous mourons. On dit qu’à l’âge de 6 mois, l’énergie remonte des pieds jusqu’au brahmarandhra, traversant tout le corps. Quand le prana (énergie vitale) arrive au sommet de la tête, c’est le moment où l’enfant commence à bouger ses bras et ses jambes avec vigueur.
A partir de brahmarandhra, l’amrita bindu redescend vers l’abdomen où le feu digestif (agni) le consume. Ceci arrive communément lorsque l’élève n’est pas encore purifié au point d’être capable de maintenir de manière constante le flux de l’amrita bindu dans les nadis.
Une mode de vie malsain et/ou une conduite irréfléchie, où les fluides du corps sont gâchés finira par fatiguer l’esprit et le corps, et affaiblir votre énergie vitale. On sera alors facilement malade et susceptible d’être influencé. La pratique du Yoga favorise l’accumulation de l’amrita indu et de les empêcher de redescendre vers agni (le feu digestif) où elles seront détruites.
L’amrita bindu est sensible, il réagit à toutes les fonctions du corps. Son cycle de vie dépend de votre santé, qui, elle, dépend de la pureté de votre alimentation, de la qualité de l’air que vous respirez et du style de vie que vous avez choisi. La pratique des asanas accroit l’amrita bindu. Si on ajoute à cela un comportement positif, notre qualité de vie s’améliore et notre esprit se renforce.
La pratique quotidienne des postures inversées durant une période suffisamment longue permettra l’accumulation de l’amrita bindu au sommet de la tête et empêchera sa descente vers l’abdomen et sa destruction par agni. La posture sur la tête, en particulier, est l’asana la plus efficace pour accumuler l’amrita bindu.
Lorsque l’amrita bindu a été rassemblé dans le lieu de brahmarandhra, l’élève va commencer à se sentir comme rafraîchi, allégé. Les processus mentaux sont renforcés et une énergie propre à la jeunesse reprend forme. On peut alors faire l’expérience d’une longue vie heureuse et saine. D’après la pensée indienne, Brahma nous a tous doté d’une centaine d’années à vivre. Ceux qui parvient à dépasser les cent ans est considéré comme immortel, ayant vaincu la mort. Selon Pattabhi Jois (fondateur du Yoga ashtanga), un yogi est capable de vivre jusqu’à 150 ou 200 ans dans la mesure ou son mode de vie est entièrement dédié au yoga et qu’il cultive une respiration longue et calme.
Beaucoup de textes anciens soulignent l’importance et le pouvoir de l’amrita bindu :
« Perdre l’amrita bindu c’est la mort, la conserver c’est dépasser la mortalité. »
« Le but d’une longue vie c’est qu’elle nous offre la possibilité de prier plus longtemps. » Sri K. Pattabhi Jois.